Lettre à un frère incarcéré
dont l’épouse, avec laquelle il a eu quatre enfants, veut le quitter pour refaire sa vie
Salam ahléikoum akhi al karim,
Tu ne me connais pas mon frère en Allah, et je t’écris pour répondre à la demande de la sœur Sarah, la mère de tes enfants, qui elle se soucie de toi… Je me présente, je m’appelle Mahdy et je vis en région parisienne où je donne des cours de religion et m’investit au sein d’une association afin de servir et d’aider les gens qui rencontrent des difficultés de tout ordre, les pauvres, les faibles, et surtout les démunis au cœur brisé… A peine hier, le vendredi 29/07/2011, j’ai ressenti le besoin d’ouvrir : « Raoudatou al Mouhibine » (le Jardin des amoureux) de l’imam Ibn Qayyoum el Jaousiya pour tomber sur un récit qui te concerne et me concerne aussi ! C’est le récit où Moussa, Moïse, le prophète de Dieu, demanda à Allah de lui indiquer qui « était le meilleur des hommes? » afin de pouvoir l’imiter et Allah de répondre en substance : « C’est celui qui habite une lointaine contrée et qui ressent de la peine quand son frère par Allah, dans la contrée diamétralement opposée, souffre alors qu’il ne le connait pas ! » Je ne te connais pas mon frère en Allah et pourtant j’arrive à ressentir ce que tu ressens par ce que je t’aime en Celui qui me permet de compatir à ta douleur, afin de mieux t’écrire et de t’aider à te libérer même si ton corps est enfermé, loin de moi…
En effet, tu es certes en prison, mais personne ne peut emprisonner ta pensée qui grâce à l’amour peut voyager par delà l’espace et le temps afin de rejoindre les gens que tu aimes ! Ne rajoute donc pas une prison à ta prison en te condamnant à souffrir et à courir derrière ce que tu ne pourras désormais plus obtenir, Sarah… Et sache que tu peux être libre en prison tout comme ceux qui sont « libres », à l’extérieur, peuvent être emprisonnés en raison de leur dépendance à des choses dont l’atteinte procure une jouissance illusoire parce que non continuelle comme l’alcool et les drogues! Na’am, mon frère que j’aime, de là où je suis je ne peux que t’apporter mon amour et mes sincères pensées afin que par leur lumière tu puisses comprendre que la majorité des gens qui sont libres sont pour la plupart, en réalité, emprisonnés par des passions qui les dominent et une âme qui ne rassasie jamais ! Comment peut-il être libre, effectivement, celui qui est esclave de sa « divinité » (ilah), de la chose qui occupe une grande place dans son cœur !?! Comprends que tu peux connaître le bonheur même enfermé et abandonné ! Me revient, à l’instant cette parole de l’imam Ibn Taymiya qui disait : « Quoique puisse me faire mes ennemis, mon paradis et mon jardin se trouve dans ma poitrine, et où que je puisse me trouver, il ne me quitte pas ! Mon enfermement est une solitude contemplative, mon explusion est un voyage, et mon exécution m’accordera le noble statut de martyr ! » Ainsi, mon frère en Allah, tu peux transformer la situation malheureuse dans laquelle tu te trouves en bonheur, si tu arrives à purifier ton cœur, et à y introduire, en toute exclusivité, ton Créateur ! Allah…
Je sais, je sais que perdre une personne que l’on aime, c’est dejà difficile ! C’est encore plus difficile quand cette dernière est ton seul soutien dans les moments difficiles ! Je sais, je sais que c’est encore plus difficile quand cette personne est ton épouse, qui plus est, a porté dans son ventre tes 4 enfants ! Ces mêmes enfants qui possèdent une partie de toi même et une partie d’elle et qui synthétisaient votre union, votre couple, et votre unité ! Je sais, et je te demande de me croire quand je te dis savoir la douleur que tu as ressenti d’avoir appris que celle-ci désirait refaire sa vie alors que tu avais besoin d’elle dans le desespoir et que tu l’aimais à l’infini! Je sais akhi, et je te demande de ressentir aussi à ton tour la boule dans ma gorge qui s’est formée à mon instant présent où je t’écris tellement la sincérité nous relie ! Je sais que tu penses à elle, à tout ce que vous avez partagé dans le passé, aux heurts et malheurs et que simultanément tu en ris et en pleurs de regrets! Et je sais que tu la regrettes, que tu regrettes d’avoir mal exprimé ton amour à son égard ! Je sais que tu la haïs aussi tellement tu l’a aimé et que tu as envie de te venger, de lui faire mal parce qu’elle t’a blessé! Je sais que tu considères son abandon comme une haute trahison parce que ton amour pour elle était sincère et que tu te voyais mourir à ses côtés ! Je sais que tu dois te dire que plus rien te retient et que tu as envie d’en finir avec tout, avec elle, avec toi, avec la foi…
Mais accroche toi ! Si Allah a fait en sorte que mon cœur s’incline vers toi, et que je t’écris ces quelques pages, c’est qu’il t’a entendu, même si tu n’as pas crié, Lui qui n’abandonne pas, qui n’abandonne jamais ! Lui, dont la remémoration doit génèrer en nous des frissons ! Sache que je ne suis qu’une simple marionnette dans les mains de Sa volonté et il m’a guidé vers toi parce qu’il t’aime et savait avant moi ta souffrance ! Il m’a fait partager celle-ci pour je puisse te comprendre et t’aider de la manière appropriée. Ta souffrance, par laquelle tu as ressemblé aux meilleurs des hommes, et particulièrement au prophète Ayyoub dont fait mention ce verset du Coran : « Et Job, quand il implora son Seigneur : « Le mal m'a touché. Mais Toi, tu es le plus miséricordieux des miséricordieux »[1] Job était un prophète qu’Allah a voulu éprouver moyennant les ruses de Satan. Et Satan comme à son habitude s’attaque aux choses qui sont dans notre cœur afin de nous plonger dans le desespoir et la déprime, par leur perte ! Ainsi, Allah laissa Satan avoir une emprise sur les biens de Job pour le tester et voir si ce dernier était pur du cœur ! Job a, par conséquent, tout perdu, ses richesses, sa famille, sa santé, le respect des gens et pourtant il disait tout le temps « Al hamdoulillah », et ce en toute circonstance, en toute situation ! Et c’est Satan qui a desespéré et déprimé de le voir patienter dans l’espérance et se rapprocher davantage d’Allah dans la souffrance ! Na’am mon frère que j’aime, sache que lorsque Allah aime un serviteur il l’éprouve toujours, lui inflige des souffrances afin de le purifier et de le ramener constament à Lui ! Et crois moi, rien ne mérite de te détourner de Lui pas même Sarah ! En effet, quand on souffre, on revient vers celui qui est susceptible de nous aider et sache qu’Allah est le « seul que nous devons adorer, le seul dont nous devons implorer le secours »[2] ! C’est le verset le plus riche du Coran ! Ainsi, prends ta douleur comme un cadeau par lequel tu vas revenir vers ton Seigneur au moyen de la pensée constante d’Allah (zikr) et de la purification de ton coeur!
Et pour cela, tu dois comprendre que ton amour avec Sarah était impossible, bien que sincère vous n’avez pas su l’exprimer d’une belle manière et avec le temps il s’est usé jusqu’à ce qu’elle décide ce qu’elle a décidé ! En effet, toute chose est composée de deux dimensions, d’un fond et d’une forme, d’un chemin et d’une destination… Si aimer est un but, alors la manière d’aimer compte aussi ! Je l’ai compris peut être trop tard mais hélas, beaucoup par l’amour souffre au lieu de s’épanouir car n’ayant pu extérioriser cet amour d’une belle manière, ou plutôt devrais-je dire d’une manière qui agréait les deux parties ! Ils s’aiment, personne ne peut le renier, même si les langues ont pu dire le contraire car dans la colère il ne faut rien noter ! Si par le couple nous devons nous unir, c’est pour construire et nous épanouir, et non nous disputer à longueur de journée pour nous détruire en laissant, par notre divorce, le malin et ses suppôts se rejouir!
Je te demande, mon frère que j’aime, de faire un grand sacrifice, au Nom d’Allah, celui d’ennoblir ton âme, en la laissant refaire sa vie, et ce, sans aucune rancune et sans haine ! En effet, si tu l’aimes sincérement alors pense à elle avant de penser à toi ! Sacrifie tes sentiments et ne les lui dit surtout pas afin qu’elle ne revienne pas vers toi, et que dans votre couple la séparation et l’union ne se succèdent plus éternellement ! Tant que tu n’es pas prêt pour la combler alors laisse là trouver le bonheur ailleurs qu’avec toi et fais taire les cris de douleur de ton cœur par le secret, la patience et le retour à la prière!
Si tu fais cela, tu seras à mes yeux, un homme, un vrai, wallahi, qui aime sincérement sa femme dans le secret malgré qu’il la perd ouvertement, sans doute pour la vie, et s’oublie pour le bonheur d’autrui, s’écarte d’elle pour elle, voire souffre pour sortir ceux qu’il aime de cette même souffrance ! Porte la douleur en toi mon frère que j’aime, et ne repond pas au mal par le mal soit comme le prophète, ‘Issa, Jésus, le fils de Marie, qui disait le visage immaculé de sang vis-à-vis de ceux qui parmi son peuple l’avaient trahit : « Ô mon Seigneur pardonne à mon peuple car ils ne savent pas ! » Fais de même, et tu deviendras un grand aux yeux de Celui dont seule l’appréciation compte ! La ilaha ilal lah… Je t’attends, pour te rencontrer à ta sortie et dorénavant tu as un nouvel ami sur qui compter ! Sache que, j’ai planté directement ma plume dans mon cœur pour écrire avec le sang de ce dernier tellement j’ai compris ta douleur…
Que je t’aime, mon Seigneur !
De me contraindre à revenir,
Quand tu aimes à me faire souffrir,
De perdre tes rivaux en mon cœur…
Mahdy Ibn Salah